David :
Comment vois-tu la relation de « l'homme blanc » (de l'occidental) avec la Nature ?
Ricardo :
Les premiers hommes sur cette terre n'étaient pas déconnectés de la Nature. Avec le temps, l'homme s'est cru complètement autonome. Il a été fasciné par sa capacité intellectuelle qui se développait. Il a pensé que la science, les connaissances intellectuelles étaient suffisantes. Par la suite, il a commencé à changer, à dévaloriser, à déprécier les valeurs humaines. Il a commencé à se déconnecter et plus tard dans le temps, il est devenu matérialiste. Maintenant, la plupart des personnes dans ce monde le sont, c'est-à-dire déconnectés de la Nature. Elles ont perdu l'équilibre. Par contre nous, cultures autochtones, gardons ce que nos ancêtres nous ont transmis : la tradition, l'enseignement, la connaissance, respecter la nature, respecter tous les êtres vivants, d'agir de manière à maintenir l'équilibre naturel. Cela nous l'avons gardé et nous le maintenons encore aujourd'hui. C'est la grande différence.
David :
Dans votre culture, vous pensez que tout est énergie ?
Ricardo :
L'énergie est active. Les sources des connaissances des cultures autochtones sont actives, elles ne sont pas dispersées. Tout est réglé et normal. C'est la grande différence avec là-bas. On l'a vu hier : quel beau terrain ! On peut planter pendant des années et il continue à produire, sans engrais chimiques, travaillé avec les mains. Être en contact avec la nature. Le mental fait ce qu'il a à faire, avec amour. Ainsi, on n'est pas déconnecté.
David :
Penses-tu que la « Mère Terre » est une énergie d'amour ou existe t'il aussi une énergie négative ?
Ricardo :
Bon, la plus grande partie de l'énergie est amour, mais les énergies négatives sont peu nombreuses, Elles sont dans certains lieux. Si on va les déranger, si on les méprise, ces énergies se retournent contre la personne qui est allée les déranger... Si on respecte les lieux négatifs, rien ne se passe. Si on utilise la médecine sacrée, qui est une protection, il ne se passe rien. C'est comme moi, Ricardo. Je suis toujours avec la médecine sacrée. Je suis bien. Je respecte les lieux sacrés, je respecte chaque être humain, je respecte les animaux, les plantes, les minéraux. Alors, il ne se passe rien. Mais quand il y a déséquilibre, non-respect, désordre, alors les problèmes arrivent.
David :
Comment se transmettent les connaissances de la nature dans les traditions de votre peuple ?
Ricardo :
Il y a beaucoup de différences entre la culture autochtone et la culture occidentale. Comme je l'ai déjà dit, la vie est simple si on n'est pas déconnecté. En occident, tout se passe dans le mental. Parce que l'on utilise qu'un élément. Au contraire, nous, en contact avec la Nature, lorsqu'on travaille, marche, touche, quand on voit les animaux dans leur milieu naturel, qu'on les imite, lorsqu'on se baigne dans des rivières pures, qu'on pêche avec notre main, lorsqu'on fait des efforts, c'est beau ! Quand on mange avec la famille, qu'on se rend utile pour elle... Alors là on pense, on se souvient de comment on a appris, comment on a fait, avec quelle technique, le jour, l'heure quand on a pêché, le soleil... Le résultat de ce qu'on mange est fabuleux ! C'est bon, c'est tendre. On valorise. C'est ça la grande différence. Tout a un sens ! C'est une chaîne de travail. Au contraire, avec la culture occidentale, c'est simplement la lecture, ou simplement un point de vue. Il n'y a pas d'impact parce que pour sentir il faut vivre.
David :
Si l'homme est déconnecté de la Nature, peut-on dire qu'il s’est éloigné de son lien au tout ?
Ricardo :
Bien sur ! Quand tu perds un rythme de vie, un style de vie utile, c'est évident : par nature et par la loi naturelle, tu finiras mal. Les lois naturelles ne sont pas écrites. Simplement il faut vivre. Quand tu te déconnectes, que tu dévalorises les lois naturelles, tu créés un déséquilibre. Cela, c'est l’arrogance, l'autosuffisance, la manque de respect de l’homme face aux lois naturelles.
David :
Quand tu voyages en Europe ou au Canada, sens-tu que les gens sont déconnectés de la Nature ?
Ricardo :
Oui, la grande majorité des humains sont déconnectés, surtout les occidentaux parce qu'ils sont plus nombreux. Alors, j'ai vu ceux qui habitent dans les villes, là où tout est ciment, tout est construit avec d’autres matériaux, tout est technologie. Il n'y a pas de contact avec la Nature. Mais il y a quelques personnes ayant une vie spirituelle qui valorisent la Nature et qui désirent d'habiter à la campagne. Il y a des gens qui veulent cultiver avec les mains, cueillir ses graines, faire leur potager. Ce qu'ils mangent après est bon et tendre. La famille profite parce que l’effort a été fait avec amour.
David :
L'intention est très importante quand tu fais quelque chose... !
Ricardo :
C'est très important. C'est bon pour la santé, c'est bénéfique, mais ça ne peut pas se voir... L'amour ne peut pas se voir, ne peut pas se comparer ni se vérifier, mais il existe. C'est la grande différence. C'est pour cela que l'on est déconnecté. Pour nous les Shuars, ce n'est pas comme ça. Pour nous c'est notre cosmovision, une réalité, une vérité. Peut-être pour les autres cultures, cela n'est pas une vérité parce qu'elles pensent qu'il n'y a aucune vérité. Ils ont une vision des choses très négative. Il faut voir la vérité selon ses croyances, ses habitudes, sa manière de vivre.
David :
Tu dis qu'il est important de donner une intention bénéfique et positive aux choses que l'on fait...
Ricardo :
L'intention peut être positive ou négative. Avec mon intention, je peux changer. Je donne des ordres avec mon mental. De la même manière avec l'intention, je peux construire, je peux me charger en énergie. Un verre d'eau, si je donne une intention positive, l'énergie augmente. C'est pour cela qu'existe la physique quantique, et nous les Shuars, nous l'avons utilisé tout au long de notre histoire. C'est maintenant que les scientifiques la découvrent alors qu'elle a toujours existé. Alors, s'il n'y avait pas de vérité dans cela, personne ne parlerait aujourd'hui de la physique quantique. Le mental est tellement puissant… L'intention peut être soit bénéfique, soit négative.Parce que l'intention est énergie.
David :
L'intention est consciente ou inconsciente ?
Ricardo :
Quand il n'y a pas d'intention, on est comme une machine, on ne sert pas la vie. Pour qu'il y est action, il faut une intention. Parce que.... Je prends cette matière, elle est figée. Si je ne donne pas d'intention, il ne se passe rien, il n'y a rien qui circule, qui fonctionne. Si je fais et que j'ai une intention, là, je peux changer les choses !
David :
Qu'évoque pour toi la solitude ?
Ricardo :
La solitude, précisément est la déconnection avec la Nature parce qu'il n'y a pas d'harmonie. Parce que l'homme s'est éloigné de la Nature, il dévalorise les éléments de la Nature et ne peut pas avoir des relations avec ses semblables. C'est une convivialité très différente. On s'est coupé d'une vie sociale.Quand on s’éloigne du principe de la vie, cela déséquilibre tout et ainsi s'installe la solitude. On est éloigné d'une réalité. Comment doit-on réagir ? Comment doit-on vivre avec cette Nature ? Si on s'est éloigné de cette réalité, on ressentira ce sentiment de solitude. C’est une maladie psychologique.
David :
Qu'elle est votre relation avec les plantes, tous les éléments de la nature ?
Ricardo :
Nous sommes tous réunis dans une masse, un globe. On ne peut pas vivre séparément, ni déconnecté Parce que nous habitons la même planète, avec les animaux, les plantes et les éléments que nous ne pouvons pas voir. Ils participent aussi. Et tous les éléments qui sont sous terre, ils existent aussi. Ils ont une incidence dans notre vie. Les astres que nous ne voyons pas ont une incidence dans notre vie. Pourquoi ? Parce que nous sommes tous dans le même monde ! Par exemple, mon oeil ne peut pas être déconnecté du reste des organes de mon corps. Mais si je me déconnecte ce doigt, si je le coupe et le jette, l'oeil ne va pas sentir ce qui se passe dans le doigt. Alors, rien ne doit être déconnecté. Ce qui est déconnecté ne sert plus, c'est simplement matière. Le lien entre les minéraux, les plantes, les animaux, l'humain et les éléments, c'est comme un organisme humain. Tout doit être réuni dans cette masse. Et l'ensemble des éléments vivants créé la vie sur la planète. Mais l'homme ignore certaines choses...
David :
Dans cette manière de voir la vie, Chaque chose est utile, a sa place ?
Ricardo :
Alors, chaque être vivant a son lieu de vie, ses propres coutumes, ses normes de vie. Chacun a sa place, naturellement. La nature fonctionne comme cela. Par exemple, les poissons habitent dans l'eau et ne peuvent vivre ailleurs. Certains éléments de la Nature sont dans une autre dimension et nous ici, nous sommes sur terre. Il y a des animaux qui vivent heureux toute leur vie... Nous ne pouvons pas vivre comme ça. Tout est classé selon l'endroit où... son corps est formé, structuré pour vivre là. Tout son organisme est bien structuré pour ce style de vie. C'est cela la différence : chacun à sa place. Mais si chacun habitait là où il veut, il y aurait un désordre total. C'est cela le respect. Comme les plantes : certaines plantes qui se trouvent en Amazonie ne pourraient pousser ailleurs et vice versa. Mais tout cela, c'est pour arriver à un équilibre, un sens à la vie. Tout est dessiné de manière ordonnée. Mais s'il y a quelqu’un qui altère cet ordre, le déséquilibre arrive.
David :
Qui est l'homme à l'origine, un être bon ou un être mauvais ?
Ricardo :
Le principe dans la vie est de maîtriser de manière équilibrée les deux énergies, la positive et la négative parce qu'elles ne peuvent pas être séparées. C'est très difficile que l'homme soit exclusivement bon. Il y a des moments où je peux rire et d'autres être furieux, parfois il y a une réaction négative très forte dans la vie qui ne dure que quelques minutes, maximum une heure. Alors, il doit toujours y avoir le bon et le mauvais en nous. Il n'est pas possible d'être que bon ou que mauvais. S'il y avait que le mauvais, nous ne pourrions pas rire. S'il y avait que le négatif… nous ne pourrions pas passer 5 ou 10 ans avec un sentiment de haine... Ces énergies positives et négatives existent. Il y a certains humains qui ont beaucoup d'énergie positive et certains autres qui ont beaucoup d'énergie négative. Il faut réduire et créer une balance dans la vie. Cela s'appelle l'équilibre. Il faut y mettre beaucoup d'attention. C'est comme cela que l'homme vit heureux, tranquille. Il ne se préoccupe pas des problèmes, des difficultés. Il vit. Mais celui qui ne conduit pas sa vie de manière équilibrée, désespère pour tout. Comme nous disons ici, il se noie dans un verre d'eau.